Bouger. Se déplacer. Partir. Ne faire que passer. Déménager. Emménager …
Rester si peu sur place.
Demeurer. Voilà un mot qui met du poids dans la vie.
Vivre à demeure. Le titre de cette nouvelle rubrique. Une phrase qui contient le verbe vivre et le verbe mourir. Rubrique pour interroger ce qui m’empêche de rester.
Adolescente, j’ai fait en sorte de fuir la maison familiale en choisissant l’internat dès le lycée et de passer les week-ends chez des ami.es . Lycée quitté en terminal pour voyager en stop avec mon amie Corinne.
Mère à 20 ans, il a bien fallu se poser mais en quatre ans j’aurais vécu à Étretat puis Rouen puis Paris, puis Lyon.
Puis une longue parenthèse sur une péniche qui était considérée comme un bien meuble (objet qui peut être déplacé). Et le Rhône semblait me dire, à se vouloir ici et ailleurs, que je n’étais pas vraiment sédentaire, même si.
Un jour, le bateau est resté à quai et je suis partie. Déménagements, colocations, cabane en Drôme, deux années en fourgon et une maison en Creuse.
Une maison mais pourtant la difficulté à dire : Je vis ici. D’ailleurs je ne fais souvent que passer dans cette nouvelle maison. Je la ressens comme un abri plus qu’une demeure. Et je rêve encore de ce fourgon nommé Chéri.
Pourtant je ne fuis rien. Je ne ne suis pas non plus une aventurière. Et j’envie les enraciné.es, ceux et celles qui s’inscrivent dans une ville, une commune, un territoire bien défini. Ceux et celles qui peuvent dire : Je suis d’ici. Je me sens d’ici. Ma famille a toujours vécu ici.
Mon grand-père polonais a migré avec femme et enfants de la Pologne au début du vingtième siècle. Il n’a pas choisi la Lorraine par goût mais pour le travail. Pour fuir la misère. Ma mère a quitté l’Allemagne par amour et nécessité (deux enfants alors il a bien fallu rejoindre le père). Dans mon corps, j’ai le sentiment de poursuivre la migration ou du moins de chercher encore et encore le lieu où m’arrêter. Souvent je me pose la question : Où vais-je être enterrée ? Car oui je tiens à ce que mon corps soit en terre et qu’une stèle porte mon nom et mon prénom. Oui mais où ? Je ne parviens pas à dire qu’importe !
Est-ce pour cela que j’aime tant visiter les cimetières ?
Comme si j’allais croiser la tombe qui contiendra ma dépouille.
Mais ce qui reste à creuser (justement) : Pourquoi est-ce si important pour moi.

