Shirley

Je lui propose de la photographier devant sa collection de vieilles passoires, elle me dit : Je te vois venir, tu voudrais que j’en mette une sur la tête ! Elle accepte de poser mais n’aime pas ça. Je la connais depuis longtemps celle que l’on surnomme la Shirl parce que c’était pas courant un nom étranger dans les années 70. Je l’ai connue tenant une baraque à sandwichs et frites vers la piscine et son désespoir à cause de l’odeur d’huile chaude que même les douches ne parvenaient pas à effacer – je l’ai connue serveuse dans le café de sa mère, je l’ai connue s’éloignant de sa ville pour une vie plus tumultueuse en Belgique. Je l’ai vue gifler de toutes ses forces un type qui lui avait mis une main au cul. Depuis quelques années, elle travaille au service espace vert de la commune et se forge une solide réputation à poser des décorations faites d’objets récupérés, à bricoler des boites à livres de toutes les couleurs, à teindre des chaussures en rose, à s’investir auprès des enfants. Depuis peu elle met en valeur les objets qu’elle trouve dans les buissons des parcs quand vient la saison des tailles. Et c’est fou oui ce qu’elle y trouve. Tout n’a pas été facile pour elle, loin de là, mais elle n’aimerait pas que j’étale ici sa vie. On peut compter sur elle mais faut pas l’emmerder, la Shirl ! Je la connais bien car c’est ma nièce. On reste parfois plusieurs années sans se voir, mais il suffit de quelques heures ensemble pour qu’on se marre comme des nouilles. On retrouve la complicité de l’époque où, adolescente, je passais du temps avec elle et sa sœur, les dimanches d’ennui et on partait ensemble dans les bois ramasser des feuilles, de la mousse, des fleurs pour composer ensuite des trucs et des machins qu’on trouvait beau. Oui on partage cela le goût des autres, des trucs et des machins.