Mon chéri on the road – 18

Nevers. Garée au bord de la Loire avec la ville qui se laisse joliment voir de la rive. Le jour s’efface du ciel et le paysage s’obscurcit, je ne me sens pas vraiment bien dans cet endroit (sans pouvoir me l’expliquer) la fatigue sans doute. Fatigue qui me rend trop paresseuse pour chercher un ailleurs. Je ferme la porte, tire les rideaux, me contente d’une eau chaude avant de me réfugier dans mon lit quand une clameur grave et répétitive s’impose. Cela pourrait être un match de foot, sauf que je crois entendre : Sieg heil Sieg heil ! Le salut hitlérien. Je sais me tromper, mais c’est effrayant tout de même. Je m’éloigne du mirage en écoutant un podcast. C’est Léon Blum que j’invite sous la couette. L’émission réalisée par Philippe Collin est passionnante. Constat honteux, je ne savais pas grand chose de l’homme. Grand bourgeois, dandy mais défenseur d’un monde égalitaire. Un socialiste comme on aimerait qu’il en restat encore un de nos jours. Il aura été l’auteur d’ un essai en 1905, Du mariage, où il défend la liberté sexuelle des femmes. Ce qui lui valut bien des haines alors qu’il devait déjà faire face à un violent antisémitisme.
Je dors plutôt bien et les supporters (peut-être aussi des supportrices) ont quitté les lieux. Humeur pénible au matin, je suis paralysée par l’indécision : Partir de suite ? Rester écrire ? Filer direct vers Lyon ? Visiter la ville ? J’opte sans conviction pour la dernière option. Bien qu’il soit presque dix heures, les gens sont absents des rues. Le bâti est superbe, mais le musée de la faïence et des beaux-arts n’ouvrent qu’à 14h, idem pour la médiathèque où j’aurais pu me poser pour écrire. Reste le sanctuaire de Sainte-Bernadette mais je manque vraiment de ferveur mystique ce matin. La rue piétonne, à l’instar de nombreuses villes moyennes, offre la triste vision d’un magasin sur trois définitivement clos. J’envoie un texto à Valérie Rouzeau dans l’espoir d’un café partagé et constaterai tardivement qu’il a été bloqué. La ville me résiste.
Dépitée, je m’installe dans un PMU pour y paraphrasait sur mon journal de bord Marguerite Duras qui écrivait en parlant de vin : Le côte du Rhône, ce n’est jamais décevant en osant un Le PMU ce n’est jamais décevant. Effectivement le café est bon et le théâtre de la vie se déroule devant moi sans que j’aie d’efforts à donner. D’abord le couple d’asiatiques qui tient les lieux, très gentils, mais dont je ne comprends rien à ce qu’ils me disent et apparemment les autres clients non plus. Les deux gars du comptoir qui parlent l’arabe et boivent coup sur coup trois cafés chacun alors que je sirote encore le mien, vers l’entrée, un homme sans âge, mal fagoté, nerveux, remplit régulièrement des grilles de jeux qui ne semblent ne lui apporter que déception. Et s’il gagnait gros, que ferait-il de cet argent ? Saurait-il changer de vie ?
Je prend une photo, fascinée par le sempiternel adage qui vante l’alcoolisme. Mon humeur s’allège. Je ne sais pas encore qu’en fin de journée, je trouverai une place au port de plaisance de Digoin, qu’il y fera beau, que je pourrais me promener en bord de Loire et papoter avec les plaisanciers du dimanche même si on est samedi.