Mon Chéri on the road – 8

Nomade oui, mais pas encore grande voyageuse, cela viendra. L’écosse en ligne de mire. Je précise cela car parfois la question est posée : Tu vas où ?  T’es où ? Et l’on s’étonne de me voir bouger si peu. Effectivement pas de longues distances depuis le mois de septembre. Du local. J’économise le carburant et A côté c’est déjà loin pour moi. Sur mon téléphone, j’ai installé l’application Park4night qui permet de partager des bons plans entre camping-caristes mais je ne l’utilise pas. Je préfère trouver par moi même en prenant le risque de ne pas trouver justement. Dormir sur un terrain en pente, près d’une route bruyante au matin ou le long d’un camping avec animation nocturne. Comme je bouge le lendemain, rien de traumatisant. Je me sers de mes cartes IGN pour repérer un plan d’eau, un bout de forêt ou un site remarquable. J’évite d’utiliser le GPS sauf quand je ne sais vraiment plus où je suis. La quête d’un lieu où me poser m’excite beaucoup. Laisser faire le hasard et mon intuition. Un nom de commune un peu singulier peut susciter ma curiosité et j’aime  bifurquer à gauche parce que cela me convient mieux que de bifurquer à droite. Ma méthode me réserve le plus souvent des bonnes surprises. Ainsi après avoir pique-niqué au pied d’un superbe château d’eau qui était dans mon champ de vision depuis un bon moment, je me suis laissée faire par une discrète pancarte m’invitant à rejoindre les bords de la Vilaine – Quel nom ! La Vilaine qui est bel et bien un fleuve,  m’a offert un bout de Paradis où j’ai pu échanger avec deux pêcheurs curieux de mon mode de vie. Je leur ai offert le café. On a causé pêche même si je connais surtout la pêche en mer. Jour de soleil, la porte du fourgon était ouverte sur un paysage d’eau, d’arbres et d’oiseaux avec de temps en temps des cyclistes ou des promeneurs pour traverser mon champ de vision comme sur un écran de télévision. Si l’intérieur du fourgon ne change pas, dehors est à chaque fois nouveau. Bien entourée, je me suis mise au travail : finaliser le recueil de textes écrits par l’équipe du CMP – enfance de Givors, débuter le texte qui accompagnera les photos de Virginie Couteron au Musée Gadagne, boucler le sommaire du prochain numéro de Gustave Junior. Bien que nomade, je ne suis pas à la retraite et le montant affiché par le site dédié à cet inévitable moment de ma vie, me convainc qu’un jour vivre dans un fourgon ne sera pas un choix mais peut-être bien une nécessité. L’augmentation du prix des loyers, de l’électricité, du gaz et de la nourriture rétrécissent l’horizon. Je ne m’inquiète pas trop car je sais vivre avec peu. Le livre de Jessica Bruder, Nomadland, sur les conditions de vie de retraité.es américain.es contraints d’habiter dans des campings-cars ou fourgons souvent moins luxueux que le mien, est riche en enseignement. Des plus de soixante ans dont la maison a été saisie, se retrouvent nomades et travailleurs saisonniers. Amazon profite largement de cette manne en main d’œuvre certes plus lente que les jeunes mais plus docile. Le livre approfondit cet aspect de l’exploitation des séniors par rapport au film. Alors j’ai le sentiment de me préparer. Je verrai bien jusqu’où me mènera ce nomadisme, terme que  j’ai imprimé avec une certaine joie sur ma carte de visite : écrivaine nomade. Voilà ce que je suis à un âge où l’on voudrait me contraindre à la marche nordique ou aux croisières culturelles. Le bonheur c’est quand rien ne vous manque et pour l’heure, il ne me manque rien. Du moins rien de matériel. Parce que oui, parfois, j’aimerais bien être occupée par un sentiment amoureux. Heureusement l’amitié est là et je croise nombre de personnes généreuses à mon encontre. Le jour décline, les deux pêcheurs de la Vilaine repartent riches en poissons et oublie de m’en offrir un –  pourtant il était bon mon café. Pas grave. Je vais aller marcher un peu, profiter de la lumière, fatiguer mes muscles et écouter la playlist créée à partir des chansons citées dans le livre d’Yves Charnet, Chutes. Chansons populaires françaises. Pas tous les jours que j’écoute du Serge Lama, surtout au bord de la Vilaine.