Mon chéri on the road 7 – Il y aura eu la visite du site mégalithique de Carnac qui fascine même si on apprend que certains menhirs ont été importés pour ne rompre la continuité des alignements. Sur un site touristique il faut toujours se poser la question : Qu’est-ce que je vois vraiment ? Qu’est-ce qu’on veut me donner à voir ? Puis il y aura eu l’île d’Houat, accueillie par le copain Pierre Joubert qui tomba amoureux de l’île dès les années 70. Vacances d’été avec sa compagne, les enfants et les ami.es en mode camping sauvage, cheveux longs et seins nus. Son amour pour ce bout de terre n’aura jamais tari et il lui a d’ailleurs consacré un livre Enez-Houat qui rassemble dessins, aquarelles, souvenirs et portraits d’habitant.es. Mon chéri est resté à quai (pas de voitures sur Houat). Excitation à marcher le long de la côte, le long des plages, sous un ciel toujours en mouvement, puis baignade dans une eau fraîche et profonde. Le sentiment, en l’absence de touristes, que tout le paysage m’appartient. J’ai été saluer la maîtresse de la classe unique, échange bref car elle avait le bateau à prendre. Et le bateau ça ne se rate pas. Je me mets à rêver d’une résidence d’écriture, d’un atelier de poésie avec les enfants – en tout cas la revue Gustave Junior y a déjà trouvé une place grâce à Anouk, 26 ans et un enthousiasme qui fait du bien. Elle aura tout fait pour vivre sur l’île et elle y est parvenue. Le temps nous aura offert une belle rincée pour revenir très vite au soleil. Marcher, nager et boire le paysage. Au retour, sur le quai, en attendant l’arrivée du Melvan pour rejoindre Quiberon, on pouvait voir un contrebassiste accompagner une femme chantante. Cette femme est la capitaine du bateau : le Notre-Dame-de-Rumengol. Une gabare de 21 mètres de long pour 6,5 mètres de large. Pierre s’est empressé d’offrir une aquarelle du bateau à la chanteuse-navigatrice. Sublime moment. Sentiment d’ivresse et (dejà) de nostalgie. Je ne sais pas expliquer ce qui m’a traversée sur cette île. L’envie de revenir tout simplement. De prendre du temps même si je sais que vivre sur une île n’est pas facile. L’ailleurs est difficile à rejoindre et il faut composer avec les gens d’ici quelques 224 habitants et près de 3000 touristes par jour l’été. Le bateau nous emporte, le vent emmêle les cheveux, doudounes et coupe-vent sont fermés haut. Mon envie de revenir est sincère mais peut-être, simplement, un engouement passager. Je verrais. Résider sur une île m’avait déjà traversée suite à un reportage sur l’île Langeness au Nord de l’Allemagne jusqu’au plan sur l’important rayon d’alcool de la petite épicerie locale qui m’avait refroidi. Maintenant que je ne bois plus, le problème ne se posera pas. J’ai retrouvé Mon Chéri et j’y ai fêté le prix Nobel d’Annie Ernaux en buvant un gingembre-citron décapant. Pour la première fois ce genre d’annonce a suscité une véritable joie en moi. L’œuvre de l’écrivaine m’accompagne depuis longtemps et l’engagement de la femme m’est familier. Sur les réseaux sociaux, les réactions violentes, stupides et souvent infondées ne m’ont pas vraiment surprise. On peut ne pas aimer ces écrits, ses engagements mais lorsqu’un poète la traite de nullité, quelque chose m’effraie vraiment même si je sais que le mot poète ne protège pas de la connerie. Personnellement je me sens son héritière. Sous la couette qui tient chaud, je relis L’événement dont un imbécile avait dit que c’était une dégueulasserie alors que c’est l’appropriation du corps des femmes qui est la vraie dégueulasserie de ce monde.Lire dans ce sens l’article très éclairant de Johan Farber sur Diacritik ici