Mon Chéri on the road – 3

Tant de choses à raconter et pourtant il faudra résumer. La baignade dans l’Allier avec sur la rive, l’amie de toujours. Sentiment de nager dans une forêt d’eau tant le reflet des arbres dans la rivière trompait l’œil. L’angoisse d’une panne de batterie et que la première personne que j’interpelle est un mécano (une cosse desserrée rien de grave). Il y aura eu aussi le danser, le rire et les plouf dans l’eau à Eymet en Dordogne. Frangin et belle-sœur qui fêtent leur anniversaire. Le canoé partagé avec un petit garçon qui pagaie avec sérieux. Le fourgon que je pose dans le jardin et l’on s’étonne de mon refus de la chambre d’ami. Hier fut jour de départ et de fatigue. Les émotions qui se bousculent en moi, les moustiques hargneux dès l’après-midi, notre première Ministre qui va mettre en place la formation des hauts fonctionnaires aux enjeux de l’écologie (comme dit l’adage : il n’est jamais trop tard pour bien faire – vraiment ?), mes pieds qui se prennent dans le seau et je chute à la sortie du fourgon. Au milieu de nulle part. Un peu sonnée mais rien de grave. Ce que je dois prendre au sérieux c’est le signal donné. Chaque incident, mécanique, physique est un appel à la vigilance. Il est l’heure de faire une pause. La visite du site de Lascaux m’offre une parenthèse passionnante et j’apprécie (évidemment) l’installation qui redonne sa vraie place aux sapiennes. Elles n’étaient pas que gros ventre, peau de bête sexy et cheveux bons à tirer. J’achète deux livres (les livres occupent un coffre entier du fourgon – on ne se refait pas, du moins pas totalement). Je reprends le volant. Chaleur poisseuse. Fatigue. Je ne parviens pas à me décider sur l’endroit où me poser. Je tourne, j’hésite, je m’arrête, je repars. J’ai besoin de sentir des ondes positives pour passer la nuit quelque part. A la sortie de Grèzes (côteaux du Périgord) près d’un petit cimetière, je me pose malgré l’œil scrutateur qu’affiche un panneau : Voisin vigilant. Je salue avec engouement la seule personne que je vois passer, et son sourire est rassurant. Je prends mon temps pour me laver au gant de toilette. Fraicheur de l’eau qui apaise les piqûres. Je mange mon repas de dépannage préféré : gâteau de riz nappé de caramel. J’installe le rideau occultant, positionne une des quatre merveilleuses lampes Led du fourgon, rapproche lunettes, carnet, stylo, livres. Je suis bien. Pas de bruits sauf quelques meuglements de vaches (stabulation à deux cent mètres) et le chant stridulent, léger d’un oiseau. La lune est un croissant mauve noyé dans des nuages gris clair. Je poursuis la lecture d’Errance de Raymond Depardon, livre parfait pour penser ce que je vis. Je découvre aussi  les mots du philosophe Alexandre Laumonier et que reprendra également l’écrivain japonais Akira Mizubayashi dans Petit éloge de l’errance :  » L’errance, terme à la fois explicite et vague, est d’ordinaire associé au mouvement et singulièrement à la marche, à l’idée d’égarement, à la perte de soi-même. Pourtant, le problème principal de l’errance n’est rien d’autres que celui  du lieu acceptable. »  Acceptable, le petit parking de Grèzes car je peux y écrire.  Ces livres m’aident à cerner le sens (ou non-sens) de mon choix de vie. Je pourrai ainsi mieux répondre à ceux et celles qui souvent m’interrogent : Tu vas où ? Tu vas visiter quel pays ? Questions qui me mettent mal à l’aise car loin de ce que j’ai entrepris. Je vais là où je vais même si certaines fois, comme Raymond Depardon, je me pose la question : Qu’est-ce que je fous là ?