Mon Chéri on the road – 27

Étrange automne où l’on profite de la douceur et du soleil tout en sachant que le changement climatique perturbe dangereusement notre équilibre écologique. Les arbres souffrent, la terre souffre, les animaux migrateurs souffrent, les mal-logé.es souffrent, les pays pauvres souffrent et en France, on boit des spritz en terrasse. Les robes d’été virevoltent, les pantacourts sont encore de mise. On cherche de l’ombre pour échapper aux rayons du soleil.
Une absence d’inquiétude qui inquiète.
Vivre dehors et laisser au placard les blousons et les pulls. Certes la chaleur actuelle facilite ma vie en fourgon mais un cerisier qui fleurit en octobre, est un arbre qui s’épuise, se fragilise malgré la beauté de ses fleurs.
Dans les rues piétonnes de Dijon, j’ai entendu quelqu’un rétorquer à son amie qui soulignait l’étrangeté du climat : Viens pas me pourrir la vie avec ton écologie.
La vérité pourrit la vie, c’est dit.
Aujourd’hui j’écris, fenêtres grandes ouvertes, alors que le département de la Moselle est réputé pour la rigueur de son climat.
La bouillotte, la couette et les chaussettes en laine restent rangées au fond du coffre. Il y a peu je me baignais dans l’eau presque tiède du Loir ou cherchais vainement des champignons dans le Forêt de Bois-d’Arcy à l’humus trop sec malgré des jours de pluie.
Et à Scy-Chazelles où je viens d’arriver pour deux mois, la douceur du temps est un étonnement.
La photo qui illustre cette chronique a été prise par le photographe Anthony Picoré, chargé de couvrir la soirée de lancement de ma résidence d’écriture. Soirée organisée au musée de Gravelotte dédié à la guerre franco-allemande de 1870 et ses conséquences, notamment l’annexion de l’Alsace et de la Moselle.
Je connaissais Gravelotte pour l’avoir rejoint en vélo, dans les années 70, avec mon plus jeune frère, lui sur un demi course, moi sur un mini-vélo. A l’époque, enfourcher un vélo dit de garçon, ne se faisait pas pour une fille et tant pis pour le double effort ! Je nous vois encore pédaler comme des dératés puis visiter l’ancien musée (certainement le premier musée que je visitais de ma vie. J’avais 12 ans) aménagé dans une maison du village. Un musée un peu désuet mais connu pour la mise en scène d’une bataille sur une immense carte en relief et une flopée de soldats de plomb. La réalité virtuelle était de la science-fiction.
Des dizaines d’années plus tard, me voilà l’invitée du musée qui a migré dans un superbe bâtiment (on peu voir ici). Avec moi, à Gravelotte, ceux et celles qui organisent, financent, communiquent et facilitent ma résidence.
Mon fourgon a aussi eu droit aux honneurs du lieu puisque j’ai pu le garer derrière la verrière du musée, bien visible des invité.es (d’où l’idée d’en photographier l’intérieur). Mon chez moi aura été un lieu public un court moment.
D’être là, en Moselle, pour dresser une cartographie des souvenirs comme l’indique l’intitulé du programme de cette résidence, me ravit, m’émeut. Mosellane je suis et ce territoire traverse plusieurs de mes écrits, même si pendant longtemps j’ai rejeté cette appartenance, jusqu’à gommer l’accent de mon parler.
Après un temps de lecture, puis de musique, je me suis mise légèrement en retrait du buffet, des gens et de la conversation. Une envie de regarder la scène de loin, comme dans un film.
Et j’ai alors entendu la petite fille, encore tout en nage d’avoir tant pédalé, chuchoter à l’oreille de la dame que je suis devenue : On s’en sort pas mal pour des filles d’ouvrier, non ?
Oui, on s’en sort pas mal.