Mon Chéri on the road-26

En fourgon, se mettre à l’abri du soleil et de la chaleur m’a semblé plus difficile que de lutter contre le froid hivernal. Je me suis débrouillée et, heureusement, j’ai choisi l’Auvergne pour ma traversée estivale. Territoire plus généreux en emplacements ombragés.
La rentrée a eu lieu et je me sens plus détendue car il y avait, cet été, bien du monde en camping car, fourgon, van et autres véhicules aménagés. Parfois des rencontres sympathiques, parfois des agacements devant l’insolence de certains à se poser n’importe où, n’importe comment.
Septembre donc et j’arrive à la fin d’un cycle de ma vie nomade. Je pense vivre le fourgon différemment dans quelques mois – les détails pour une prochaine chronique. L’année s’annonce riche en résidences d’écriture, animations et autres rencontres, tant mieux, car j’ai besoin de bosser. Envie de bosser. Et comme tout un chacun, il me faut gagner des sous et, qui s’en étonne encore, les droits d’auteur ne suffisent pas.
Ce matin sur une plage de l’estuaire, la bouleversante lumière du matin a provoqué en moi un sentiment de ravissement – ce n’est pas tous les jours que j’emploie un tel mot. Alors je n’ai rien su dire d’autres que : c’est beau ! et répété merci ! merci ! sans savoir à qui cela s’adressait précisément. J’ai gardé la croyance en un au-delà, certainement des reliquats de mon éducation protestante (des années d’école du dimanche, que j’ai d’ailleurs adorée).
En tout cas, je me suis sentie comblée par le paysage. Ce qui va à l’inverse de mon constat de l’été : cet insatiable besoin de distraction et de sensations fortes qui anime l’être humain. Un coucher de soleil ne suffit plus, il nous faut également un transat, un mojito, un spritz, de la musique d’ambiance, des olives, des chips, une connexion 4 G voire 5G, un filtre pour la photo envoyée sur les réseaux sociaux, dès fois que le soleil ne serait pas à la hauteur de nos désirs d’instagrameurs. La vue d’un sommet ne suffit plus, il faut une tyrolienne, une via ferrata, des sauts vertigineux, de la performance connectée, une descente de torrent en hydrospeed et un spa à l’arrivée. Une bonne partie de la population s’emmerde vite et ne le supporte pas. L’humain a besoin de se distraire de sa propre vie et j’en fais partie, même si j’essaie de prendre de la distance avec ces pratiques avant tout consuméristes.
Sur la plage où la lumière s’impose au sable, je pense à mon besoin de bouger qui a commencé très jeune. Gamine j’explorais les rues d’Amnéville, les rives de la Moselle et aussi les terrains vagues, les usines et le crassier. A dix-sept ans j’ai quitté tout cela en stop avec une amie. La veille du départ, j’avais distribué les affaires auxquelles je tenais à mes copines du quartier. Un peu comme il y a deux ans quand j’ai quitté l’appartement des bords de Saône donnant une bonne partie de mes affaires aux uns et aux unes.
Avec mon amie, nous rêvions du continent indien et sommes restées essentiellement en France.
Lyon sera la ville qui m’aura appris à me poser même si ce fut sur une péniche. Mais ce besoin de mouvement, pas forcément de voyage lointain, ne va jamais me quitter. Je puise de la vitalité autant dans le départ que dans l’arrivée. Pourtant en quittant la maison familiale, j’avais espéré entendre un Reviens qui n’a jamais été à l’ordre du jour de mes parents. Je ne serais sûrement pas rentrée même si je me souviens parfaitement comment, la veille de la rentrée des classes qui ne me comptera pas parmi les élèves, l’angoisse a englué mon sommeil. Encore mineure, pas un sou d’avance, un sac à dos comme tout bagage et, soudainement, j’ai eu envie de rentrer. Envie de redoubler ma terminale, de passer mon bac et de poursuivre des études en fac. Impossible, mes parents avaient jeté le reste de mes affaires et s’apprêtaient à déménager dans une maison sans chambre pour moi. Plus de doutes, il fallait me démerder seule et c’est ce que je ferai. Il en sera de même pour mon plus jeune frère, deux ans plus tard. Avec le recul, même si cela fut difficile, la situation nous aura donné à tous les deux l’énergie de se fabriquer une vie proche de nos désirs ainsi qu’une grande force devant les aléas de la vie. Nous nous sommes dégagé.es, mon frangin et moi, du bourbier familial. Une chance !