Mon Chéri on the road – 25

Le soir après la baignade dans le plan d’eau, après le repas toujours bon, après les discussions légères ou plus graves, après les blagues idiotes ou les je me souviens, on va marcher sur la route pour le plaisir des muscles en mouvement, pour voir ce que le soleil couchant propose comme variante de couleurs et de lumière, pour profiter de l’air enfin respirable. Haute-Loire, je me suis invitée chez des ami.es de longue date. Le fourgon me sert de chambre à coucher et le reste de la journée je profite de la fraîcheur de la maison aux volets clos – Nous somme déjà fin août.
Je parviens à écrire Corinne, Nager seule et un autre chantier a débuté : Basse – Bastard – un texte de théâtre où je convoque Violette Leduc, la guitare basse avec la comédienne Anne de Boissy en point de mire. J’ai toujours besoin de mener plusieurs chantiers d’écriture en même temps.
A l’heur où le soleil vous cloue au matelas et à l’ombre, je relis En cas d’amour d’Anne Dufourmantelle, j’y cherche depuis plusieurs années une clé de compréhension de ma vie actuelle sans savoir quoi exactement. Est-ce le titre : En cas d’amour, qui me trouble particulièrement, de ne pas savoir le reformuler ou de me poser la question de mon propre besoin d’aimer et d’être aimée.
En tout cas ce soir, il fait bon et je laisse les deux amies me devancer, je n’ai pas envie de parler et voudrais prendre en photo cet instant : simple, banal et miraculeux.
Mon expérience de la vie nomade est à un tournant. La fatigue tenace de début août, l’entorse au pied droit puis au pied gauche m’interrogent : Poursuivre une seconde année ? Se poser quelque part ? Un ami me fait prendre conscience d’une chose : Les nomades rejoignent souvent les mêmes lieux et, surtout, ne voyagent pas solitaires.
Qu’est-ce que je veux ? et bizarrement me revient cette formule que j’associe à Lacan sans me souvenir pourquoi : Pour qui tu te prends ?
Entre chien et loup, entre chienne et louve, le jour s’achève, la nuit arrive et quelque chose en moi se dénoue.
De retour dans le fourgon, je m’installe pour la nuit et observe le ciel criblé d’étoiles et la fulgurance des étoiles filantes. Je n’ai pas envie de faire de vœu car tout est là pour moi. Présence rassurante des oiseaux nocturnes, de la chienne qui n’aboie jamais, ne gémis jamais malgré les mamelles lourdes d’allaiter ses quatre chiots et la légèreté bienfaisante d’un vent nocturne. Je n’ai pas envie de lire, ni d’écrire. Je suis. Et je sais que ces mots, un jour, je ne pourrais plus les prononcer mais là tout de suite JE est vivante et présente au monde … Oui, je sais que là-bas des guerres, des fuites devant des incendies géants, des corps détenus, mal traités, violés. Je sais. Je sais … mais ce soir, je chantonne une balade du film Rio Bravo, un des rares westerns avec La Prisonnière du désert que j’apprécie, c’est une chanson interprétée par Dean Martin et Ricky Nelson :

The sun is sinking in the west
The cattle go down to the stream
The redwing settles in the nest
It’s time for a cowboy to dream
https://www.youtube.com/watch?v=_MXcL1F3OMs