Mon Chéri on the road – 22

Il est frustrant de ne pas pouvoir tout raconter dans cette chronique pourtant elles sont nombreuses les rencontres, les invitations et les personnes qui m’offrent gite, possibilité d’une lecture ou tout simplement un bout de conversation. Comme je me déplace en fonction de mes obligations professionnelles, ce n’est pas vraiment la vanlife, j’entends par là, ce que je vois parfois sur les réseaux sociaux : la vie en fourgon c’est trop cool !
Souvent dans mon fourgon, ça bosse et il n’y a pas toujours un coucher de soleil à photographier par mes portes entrouvertes.
Donc, déplacements et rencontres il y aura eu à Saint Molf, Quimperlé, Mellac, Guipavas pour me poser ensuite au trou de Bozouls dans l’Aveyron, merveille de site que j’ai pu arpenter un jour de semaine en imaginant l’horreur de cette même balade en période estivale – quand il y a foule. Depuis quelques années, il y a surcharge dans certains lieux touristiques mis en avant par les réseaux sociaux. Mon conseil : arrêtez de partager vos bons plans avec la terre entière.
J’étais bien à Bozouls, fourgon garé sur la place de l’église avec accès à de l’eau et des toilettes, mais il y a eu ce type, repéré dès mon arrivée, qui avait une façon bizarre de m’observer. Toujours à proximité du fourgon. Le lendemain alors qu’il me tournait autour, je lui ai fait signe pour y voir clair, il a fui aussitôt. Première fois en presque une année que je dois faire face à un type louche, alors j’ai quitté Bozouls, un peu furieuse mais comment agir autrement ? Heureusement, j’ai trouvé un splendide lieu pour me laver de ma mauvaise humeur à Puech des Ouilhes dans le lac du barrage de Saint Étienne de Cantalès. Long moment de nage dans une eau douce, une lumière d’après-orage et quasi personne sur la rive. J’ai vite oublié le type louche. L’eau me ressuscite à tous les coups.
Puis j’ai pris mon temps pour rejoindre Roquebrune-sur-Argens dans le Var où je suis posée depuis une semaine, dans le jardin de ma nièce et de son compagnon. A Roquebrune où je viens depuis plusieurs années, je suis tantine, mon surnom d’ici – et j’aime bien ce surnom géolocalisé. J’ai aussi comme réputation d’apporter la pluie : Quand tantine vient dans le sud, il pleut. Et ce n’est pas faux.
Ici, je retrouve un monde d’hommes et de femmes employé.es par les hôtels, les restaurants de plage, les agriculteurs, les éleveurs… tout un monde qui vit peu ou prou du tourisme pour le fuir dès que le boulot est terminé. Des gens qui vivent ici depuis toujours ou alors se sont, un jour, arrêtés, c’est ainsi qu’on me les présente : Lui, il s’est arrêté en 96, elle s’est arrêtée en 2012 … Parcours de vie.
Certaines de ces personnes parlent le provençal et souvent il est précisé qui est d’en bas, qui est d’en haut (sous-entendu du bord de mer ou des collines) – Beaucoup travaillent dur, les mains sont calleuses, les visages burinés et on parle avec gravité des difficultés liées au changement climatique, à l’introduction du loup, des vieux et vieilles dont il faut bien s’occuper, des Tunisiens et des Portugais qui viennent planter le melon, ébourgeonner la vigne.
La région est belle quand on s’éloigne des méga-campings, des zones artisanales et des marinas, mais elle est rude aussi. Sécheresse, chaleur, insectes et quand l’ orage tonne, on espère l’eau mais pas trop, le village a vécu plusieurs crues, des débords comme on dit ici. Il y a eu des morts et d’importants dégâts. Dans la maison où vit ma nièce, tout ce qui craint l’eau, est rangé en hauteur et on n’investit plus dans les meubles ou l’électroménager, à quoi bon ? Sans oublier les feux de forêts qui endeuillent le paysage pendant de longs mois.
Ici parler de débrouille c’est du concret. Entre les jobs d’hiver et ceux de l’été, les boulots plus ou moins déclarés, la paie n’est pas bien lourde alors on vit dans les maisons de village qui ne font pas d’assez belles résidences secondaires, dans des mobiles homes planqués sous les arbres, dans des cabanes parfois dans sa voiture.
J’aime bien ce temps passé à être tantine. Mon Chéri est à l’ombre du saule pleureur et ma nièce a bricolé une moustiquaire pour la porte latérale, mais quoi qu’il en soit, vers dix-huit heures, malgré l’huile essentielle de lavande, la citronnelle et le marc de café, on se gratte nerveusement les mollets et les avant-bras. On peste contre les moustiques et les aoutats. Et quand le ciel se couvre, l’un ou l’autre commente : Tiens il va pleuvoir – ben oui, tantine est dans le Sud