Mon Chéri on the road – 14

Trois jours pour rejoindre Tinqueux-Reims, en partance d’Angers. J’aurai traversé le Maine et Loire, l’Indre et Loire, le Loire et Cher, un bout de l’Aube puis la Seine et Marne et enfin la Marne. Des vastes étendues à l’horizon net, terres agricoles avec un nombre incalculable de villages, communes souvent sans commerces et encore moins de bar (je ne prends jamais l’autoroute). J’aurai dormi sur un parking à Chenonceau pour visiter tôt le matin le château où l’on peut croiser les fantômes de la reine Catherine de Médicis, Diane de Poitiers et surtout la philosophe, injustement ignorée, Louise Dupin qui écrivit Défendre l’égalité des sexes en 1750, avec Jean-Jacques Rousseau comme secrétaire. Arrière grand-mère par alliance de Georges Sand. Puis j’aurai casse-croûté à Saint Laurent-Nouan, posée à quelques centaines de mètres de la centrale nucléaire, au milieu de petites maisons individuelles, construites sous les lignes à haute-tension d’EDF. Mon étonnement : le prix à payer pour accéder à une maison quand on est modeste en moyens ou une vraie absence de craintes ? Je prends quelques photos. Puis je poserai le fourgon au bord du Cher à Pont-sur-Yonne où je vais boire un café dans un bar où tout le monde est très sympa avec moi. Je m’y sens bien malgré la télé grand écran, l’odeur de tabac, alors que personne ne fume, et le gars au comptoir qui avale café sur café en demandant à celui qui entre (sauf à moi) : Alors t’as gratté aujourd’hui ? Je passe une bonne nuit puis achète, sur le marché, un fromage local aux piments d’Espelette à une jeune maraichère bavarde et curieuse.
Je conduis en essayant de décontracter mes épaules, sinon je ça va se bloquer à nouveau. Je m’enfonce dans la plaine avec l’envie de m’arrêter toutes les dix minutes pour prendre une photo, visiter un cimetière dont celui, minuscule, perdu entre champs de betteraves et terres retournées à Ouinotte. M’attarder aussi devant une bâtisse, un château, un manoir, puis une cimenterie, un silo géant … curieuse de tout. Je me réfrène. Le paysage défile et je pense à l’équipe de la médiathèque de Segré que j’ai quittée à regret. Fin de résidence. Tant de choses vécues ensemble. Difficile à résumer. Une chouette équipe en tout cas, et, chose rare, une maire et une adjointe à la culture très impliquée et présente à chacune de mes lectures. Cette résidence sera également le souvenir de mon premier embourbement en fourgon qui m’a permis d’évaluer ma capacité à rester sereine. Comme il était tard, je me suis dit : Demain apportera sa solution . Et j’ai dormi là. Le lendemain, la solution se prénommait Francesca, Flop et René, ce dernier outillé en traverses et sangles. Un de ces gars, qui dans les années 70, partaient en Afrique à bord d’une Peugeot break pour la revendre sur place et se rembourser ainsi le voyage (parfois). Alors les embourbements, il connait. Il y aura eu enfin, une femme médecin qui accepta de me prendre en consultation, comprit ma situation de nomade, prit son temps, m’ausculta avec délicatesse, me fournit ordonnances en prévision de, me considérant comme une adulte responsable. Consciente des difficultés pour obtenir un rendez-vous quand on n’est pas chez soi, surtout quand chez soi est un peu partout. Je pense aussi à la discussion avec Yolande Moreau, à L’année de la Caboulotte qui va sortir début mars, à Teddy qui a écrit un texte déchirant en atelier et, et, et … Je pense à tout cela en conduisant et écoutant, en boucle West Universe du tout récent duo Djégo.
Je pars rejoindre l’équipe du Centre de Créations pour l’Enfance où nous fêterons ensemble la Poésie Jeunesse. Il y aura Mateja, Pierre, Claire, Mathilde, Brigitte, Carl, Albane, Jean, Bernard… Des ami.es, des collègues, des copains. Le programme est à consulter ici
Je me redis comme souvent : le bonheur c’est quand rien ne vous manque. Et bien aujourd’hui, rien ne manque.