J’écris cette chronique installée sous la couette, à l’abri dans mon fourgon. Dehors la nuit. A peine 19h. Chaussettes en laine d’alpaga aux pieds. Je suis posée à Blaison-Gohier au sud-est d’Angers en prévision d’une balade dans le environs – 5h de marche – pour demain. Traversée de coteaux, forêts, hameaux et je devrais éviter la pluie.
Avant que la nuit ne me contraigne au repli, j’ai visité le village qui compte de bien belles demeures, manoirs et un château. La contrée fut prospère et le cimetière confirme : une section, séparée du tout-venant par des murets, accueille les dépouilles de la famille de Chemellier composée de comtes, vicomtes et autres baronnes. J’ai vérifié ce nom de famille n’apparait pas dans la liste des sacrifiés de la guerre de 14-18.
Personne dans les rues, chacun rentré chez soi et je n’allais pas tarder non plus. Quelques feuilles flamboyantes s’accrochaient encore aux branches, des lumières filtraient derrière les volets ou les rideaux, le son d’une télé. Vies intérieures qui contrastent avec ma présence dans les rues et ruelles vides. Je suis traversée par un mélange de mélancolie et de détachement. Un ressenti proche de celui de l’enfance quand je me rendais l’hiver au cours d’équitation proposé par la MJC. La nuit, le froid, l’odeur des bêtes m’enveloppaient. Je découvrais un sentiment nouveau où le présent n’avait plus un goût d’éternité. Aucune angoisse, au contraire. La conscience de ma finitude générait en moi, un grand calme et de la confiance. La lecture du Grand Meaulnes, à la même époque, m’offrait aussi ce sentiment d’un espace temps autre.
Le froid a pris de l’élan, j’ai fermé ma parka. Il était temps d’aller tirer les rideaux du fourgon, allumer la liseuse et me préparer une soupe.
Dans le fourgon, je suis chez moi, même si actuellement ma résidence d’écriture à Segré-en-Anjou bleu, m’amène à être logée en appartement. Le camping étant fermé, il n’y avait pas de lieu pour recevoir dignement mon fourgon. Misengrain est le nom du relais qui m’accueille. Les logements ont été aménagés dans d’anciennes maisons de mineurs. On exploitait l’ardoise et le fer dans la région. Le relais est géré par un groupe éducatif et des salarié.es handicapé.es, ils et elle forment un sympathique environnement. Au début, dormir dans une grande chambre me perturbait et dans la nuit, j’ai failli rejoindre Mon Chéri plus d’une fois (Il est garé quasi devant ma porte). Perturbée aussi de limiter mes virées aux week-ends. Je dois admettre, il est l’heure d’hiverner et j’ai pris conscience de cela pendant la traversée solitaire du village. La résidence dure jusqu’en février. Je vais partir à la rencontre de enfants, des habitants et Mon Chéri m’attendra à la porte du garage chaque samedi quand j’aurai fini mon travail. Je ne sais pas comment je vais gérer la suite de ces chroniques. On verra. J’ai le temps. Jusqu’au printemps ce sera, peut-être Mon Chéri en résidence !
Mon Chéri on the road – 11
