• Mon Chéri on the road – 2

    Cantal, Puy de Dôme et Haute-Loire pour l’essentiel. Retrouver des proches. Rester sobre en  kilomètres. M’arrêter quand je veux, où je veux (ou presque). Et additionner des moments … j’allais écrire magiques, mais cela n’a rien à voir avec de la magie. Plutôt des moments d’osmose (un peu ronflant comme terme). Des moments de joie (mouais). En fait, des moments où rien ne manque : poser son fourgon à l’ombre d’un bel arbre, nager dans le lac de Paladru à la nuit tombante, dormir au bord de l’Allier près du village de Nonette qui offre un point de vue vertigineux à 360°, prendre en photo la lune pleine de nuit, discuter dans une station service avec une jeune femme drôle et serviable, heureuse d’être gérante d’un lieu que personnellement je n’imaginais pas comme un lieu d’épanouissement. A l’orée d’une forêt répondre aux différentes commandes d’écriture et ce qui serre à l’intérieur de savoir tant de forêts brûler ailleurs. Avant de passer quelques jours à Lyon pour déposer le trop d’affaires, récupérer les affaires d’hiver, je me suis arrêtée dans la zone artisanale de St Jeoire de Prieuré pour permettre à Xavier d’installer sur mon fourgon la caméra de recul qui n’était pas prévue au départ et de vérifier avec lui deux, trois trucs concernant l’électricité ou la mécanique du véhicule (apprendre à m’y connaître un peu). L’occasion de discuter, le temps d’un casse-croûte, avec Arman originaire d’Arménie qui vient d’installer son atelier de mécanicien juste à côté de celui de Xavier et que mon métier d’écrivaine rend curieux. Dans la journée, j’ai croisé également un jeune gars venu de Bretagne en bus pour récupérer son Trafic aménagé. Une histoire de séparation alors vivre dans son véhicule en attendant et s’en réjouir malgré tout. Ici, j’écris entourée d’hommes qui travaillent et je m’y sens à l’aise. Souvenirs de  l’enfance où mes frères et leurs copains bricolaient, réparaient, soudaient dans la cour des maisons en buvant des canettes de bière. Un monde d’hommes. Bien sûr des femmes s’approprient ces métiers mais cela reste encore rare. Et très certainement qu’elles le feront différemment. Hier soir, installée je ne sais où qui me plaisait bien, j’ai préparé mon repas en écoutant un podcast sur le quotidien de deux jeunes femmes Afghanes : Inside Kaboul. Deux femmes qui avant la prise de Kaboul par les Talibans voyaient leur avenir de manière optimiste ou, du moins, elles étaient partie prenante de leur destinée. Leur élan de vie a été brisé net du jour au lendemain. Femmes interdites de tout : de corps, de visage, de culture, de travail, d’identité. Prisonnières à l’intérieur d’elle-même. J’écoute et je ressens physiquement ce qui pourrait advenir de ma liberté actuelle. Je suis une femme qui voyage, écrit, conduit, gagne sa vie, vote, se marre, fait l’amour comme bon lui semble. Je suis aussi une femme qui peut résister, manifester, s’indigner lorsqu’on tente de restreindre son espace vital. Ce qui ne signifie pas l’absence d’attention aux autres, même si je reste particulièrement vigilante aux droits des femmes car souvent les États autoritaires, fascistes débutent leur travail d’appropriation par elles. Par leur corps à elles. J’écoute Marwa et Raha raconter leur quotidien et ce qui leur a été enlevé et aussi les moments volés aux Talibans comme écouter de la musique en voiture malgré les interdits. L’une est restée dans son pays, l’autre est partie. Elles n’ont rien choisi. J’écoute – devant moi les collines sombrent dans le bleu de la nuit – Je suis vivante et mon cœur bat pour elles. C’est peu. Je sais.

  • Mon Chéri on the road – 1

    Près de 15 de jours que je vis dans mon fourgon et j’ai l’impression que cela fait depuis toujours. Je parcours de courtes distance dans le Roannais,  le Forez et le Puy de Dôme. Éviter le tourisme de masse et trouver de l’ombre. Un vrai défi. Entre Charlieu et Chauffailles, je me pose chez un couple d’ami.es, refusant la chambre douillette gentiment proposée. Trois nuits sur le parking de l’église qui sonne régulièrement les heures et les demi-heures. Lui a solutionné mon problème électrique, un fil arraché par une branche empêchait le panneau solaire de charger. Un incident instructif pour mieux comprendre comment fonctionne  l’électricité dans mon fourgon. Le lendemain, je m’achète une jolie visseuse, une pince coupante et un assortiment de clous et de vis. Maintenant je sais quels boitiers, quels raccords il faut vérifier. Déjà que j’ai baptisé la porte latérale du fourgon avec un belle bosse. Un virage trop serré et vlan. Je me suis arrêtée au bord de la route et j’ai chialé avec une forte envie de tout laisser tomber. Déjà que j’ai un foutu mal de dos à rouler tendu comme si j’allais à l’échafaud (L’escargot a-t-il toujours conscience de porter sa maison sur le dos ?). Puis je me suis posée dans le camping municipal de Noirétable parmi les caravanes et les tentes. La taille de mon fourgon me permet d’éviter les parkings à camping-cars qui me rendent très vite bougonne. Quelques longueurs dans le plan d’eau de la Roche m’ont aidée à retrouver du calme. Xavier, mon fourgonniste attitré me conseille à distance. J’ai une sacrée chance d’avoir un tel soutien. Petit à petit je trouve le bon rythme et le plaisir de vivre ainsi. Un réveil dans une lumière rasante, la visite d’un chien curieux, le ciel d’étoiles chaque nuit et une merveille de solitude au pied des ruines du château de Couzan (voir la photo). J’apprivoise ma nouvelle vie, j’apprivoise mon espace restreint (environ 4 mètres carrés), j’apprivoise ma mobilité, j’apprivoise l’animal mécanique et je me répète que je ne suis pas en vacances, qçççue vivre dans ce fourgon est mon quotidien et que je n’ai aucune obligation de bouger, ni de rester dans un même lieu. Je fais comme je veux. Même si, pour ne pas consommer stupidement du gasoil, je m’impose des trajets courts et me déplace obligatoirement à pied ou en stop pour faire les courses quand le fourgon est posé. Bientôt j’aurai un vélo pliant. Je retrouve les rituels de la Caboulotte : essayer de me lever à 7h, gym puis écriture. Préparation du repas. Sieste surtout quand il fait trop chaud. Marche ou écriture. Observation de mes congénères dont je me dis que le changement climatique, la sécheresse ne semblent pas toujours les concerner. Une piscine qui se remplit d’eau à l’écart d’un chemin, des douches interminables dans les sanitaires du camping, des vaisselles voraces en eau à vouloir soigneusement rincer le produit chimique qui promet pourtant propreté. Sans parler des articles de journaux dont le leitmotiv est –  ça y est, on y est ! – Ah bon ? Constat désabusé, presque surpris alors que nombre de chercheurs et chercheuses nous mettent en garde depuis plus de trente ans. Je lis également que sur les océans et les mers, les monstrueux bateaux de croisière (340 mètres de long, 60 mètres de haut) baladent encore  la bêtise humaine. Bateaux construits dans les chantiers navals de Saint-Nazaire que je chéris pourtant. Je grogne à nouveau mais comme je suis seule cela finit par passer. Du vent se lève, le ciel se couvre. La terre a soif. On espère de l’eau. Et elle va tomber. Je vais vivre ma première pluie à l’abri dans le fourgon. Mon premier coup de froid aussi. J’habite ici qui est toujours ailleurs.

  • Christian

    La Rochelle. Bord de l’Océan. Parking.
    Table et chaise pliantes. Comme chez lui. Il vient là régulièrement pour déguster des pétons achetés sur le marché. Avant il les ramassait lui-même mais le corps ne veut plus.
    Corps usé par 37 années de labeur chez Alsthom.
    Travail en horaires décalés. Les 3×8 qui vous sapent le corps et le sommeil.
    Il avait le sens du travail bien fait. Ouvrier à l’ancienne comme il dit. Certains de ses collègues sont montés chef. Pas lui. Il n’était pas vendéen.
    Les dernières années plus difficiles. Se faire traiter de fainéant après tout ce temps donné à la boite.
    Dur à avaler.
    Des années à limer. Limer. L’arthrose qui s’installe.
    Maintenant il est à la retraite et gagne mieux sa vie qu’en travaillant. Alors il profite.
    La vie est belle quand on en demande pas trop.